Dans un pays où les votes se jouent davantage sur la
communication que sur le programme ; dans un pays où financer une campagne
signifie rassembler des sommes astronomiques auprès d’acteurs privés
(particuliers ou entreprises) ; dans un pays où il est globalement toléré,
accepté voire revendiqué que financer une campagne électorale est une forme d’investissement
qui se traduira par dans des contreparties futures de la part des
politiques ; bref dans un pays comme les Etats-Unis, personne ne se fait
d’illusion sur le fort impact politique qu’a le système de financement des
campagnes électorales.
Mais ce n’est pas parce que personne n’est dupe que tout
le monde accepte ce système. Du haut de ses seize ans, un teenager américain a
développé une appli qui risque de donner du fil à retordre à ce système
électoral pernicieux.
Un système électoral particulièrement vicieux
Vous avez des convictions, un programme, une base de
militants, vous voulez monter votre parti ? Oubliez tout de suite les
Etats-Unis. Le « Leader of the Free World », comme il adore s’autoproclamer,
est tout sauf une terre d’accueil pour l’innovation politique. Pour cause :
un système électoral extrêmement terre à terre, un peu bête et méchant, et qui
a accouché de la folle proéminence des lobbies dans la politique américaine
comme de son bipartisme stérile. Le voilà résumé dans ses grandes lignes :
La communication, la campagne c’est tout ce qui compte –
le programme c’est accessoire si l’on veut gagner. La campagne, c’est avant
tout des sous pour la financer. Les sous, on les trouve chez les acteurs privés
qui de manière très peu règlementée peuvent nous financer. Les acteurs privés,
s’ils nous financent c’est qu’ils y trouvent leur intérêt. Leur intérêt, c’est
les contreparties futures qu’on leur donnera si l’on est élu. Nous, politiques,
sommes éthiques, mais aussi pragmatiques : nous avons de belles idées,
mais si nous voulons les voir s’accomplir, nous devons jouer le jeu du système
actuel – allez, tant pis, « la fin justifie les moyens », mettons
notre morale de côté le temps des élections, de toute façon les autres font
pareil, il sera toujours temps de la retrouver quand on aura gagné.
Dès lors, si vous êtes un politique américain, il y a de
fortes chances que, par pragmatisme, une partie de vos décisions soient
motivées par ces fameuses contreparties de campagne. Seulement, depuis
Greenhouse, il vous sera bien plus compliqué de mener ces actions à l’insu de
tous.
Greenhouse, modeste mais efficace
Greenhouse qu’est-ce que c’est ? Une application
téléchargeable sur votre ordinateur qui vous permet de deviner certains motifs
peu louables derrière les décisions politiques. A la lecture de n’importe quel
article web, il vous suffit de passer votre curseur sur le nom d’un dirigeant
politique pour voir s’afficher un petit tableau résumant le financement de sa
campagne. Difficile de dissimuler les raisons non-avouées de son soutien à un
projet d’oléoduc lorsque d’un si simple mouvement tout internaute peut
constater que votre principale source de financement est la manne que vous
confèrent les compagnies pétrolières.
Un outil simple et sans prétention développé par Nick
Rubin, un jeune homme de 16 ans habitant Seattle, passionné de politique et de
codage. Mais la sobriété de l’appli ne l’empêche pas d’avoir un fort potentiel
d’impact. En rendant le citoyen moins dupe au jeu des politiciens et en
incitant le politicien à plus de prudence dans l’octroi de contreparties
électorales, il rend tout simplement moins rentable
« l’investissement » des acteurs dans les campagnes politiques. Cette
nouvelle transparence, au doux parfum de 2.0, est finalement un moyen simple de
freiner – ou du moins ralentir – la fuite en avant dans la course au
financement dans laquelle s’est engagée la politique américaine.
Et en France, alors ?
L’application a aussi le bon goût de rappeler aux
Français que nous ne devons pas trop nous féliciter de notre système électoral
qui, s’il est dans l’ensemble plus vertueux que son équivalent
américain, est tout simplement incompatible avec Greenhouse. Et pour
cause : le financement des campagnes est beaucoup plus opaque qu’aux
Etats-Unis, où ces informations sont publiques. Bref, Greenhouse remet sur la
table le débat des conflits d’intérêts politiques, et c’est tant mieux !
On souhaite beaucoup de réussite à cette initiative
porteuse de l’exigence de transparence de la démocratie 2.0 !