mercredi 6 août 2014

Une appli pour réduire la corruption des politiques américains

Dans un pays où les votes se jouent davantage sur la communication que sur le programme ; dans un pays où financer une campagne signifie rassembler des sommes astronomiques auprès d’acteurs privés (particuliers ou entreprises) ; dans un pays où il est globalement toléré, accepté voire revendiqué que financer une campagne électorale est une forme d’investissement qui se traduira par dans des contreparties futures de la part des politiques ; bref dans un pays comme les Etats-Unis, personne ne se fait d’illusion sur le fort impact politique qu’a le système de financement des campagnes électorales.

Mais ce n’est pas parce que personne n’est dupe que tout le monde accepte ce système. Du haut de ses seize ans, un teenager américain a développé une appli qui risque de donner du fil à retordre à ce système électoral pernicieux.


Un système électoral particulièrement vicieux


Vous avez des convictions, un programme, une base de militants, vous voulez monter votre parti ? Oubliez tout de suite les Etats-Unis. Le « Leader of the Free World », comme il adore s’autoproclamer, est tout sauf une terre d’accueil pour l’innovation politique. Pour cause : un système électoral extrêmement terre à terre, un peu bête et méchant, et qui a accouché de la folle proéminence des lobbies dans la politique américaine comme de son bipartisme stérile. Le voilà résumé dans ses grandes lignes :

La communication, la campagne c’est tout ce qui compte – le programme c’est accessoire si l’on veut gagner. La campagne, c’est avant tout des sous pour la financer. Les sous, on les trouve chez les acteurs privés qui de manière très peu règlementée peuvent nous financer. Les acteurs privés, s’ils nous financent c’est qu’ils y trouvent leur intérêt. Leur intérêt, c’est les contreparties futures qu’on leur donnera si l’on est élu. Nous, politiques, sommes éthiques, mais aussi pragmatiques : nous avons de belles idées, mais si nous voulons les voir s’accomplir, nous devons jouer le jeu du système actuel – allez, tant pis, « la fin justifie les moyens », mettons notre morale de côté le temps des élections, de toute façon les autres font pareil, il sera toujours temps de la retrouver quand on aura gagné.

Dès lors, si vous êtes un politique américain, il y a de fortes chances que, par pragmatisme, une partie de vos décisions soient motivées par ces fameuses contreparties de campagne. Seulement, depuis Greenhouse, il vous sera bien plus compliqué de mener ces actions à l’insu de tous.

Greenhouse, modeste mais efficace


Greenhouse qu’est-ce que c’est ? Une application téléchargeable sur votre ordinateur qui vous permet de deviner certains motifs peu louables derrière les décisions politiques. A la lecture de n’importe quel article web, il vous suffit de passer votre curseur sur le nom d’un dirigeant politique pour voir s’afficher un petit tableau résumant le financement de sa campagne. Difficile de dissimuler les raisons non-avouées de son soutien à un projet d’oléoduc lorsque d’un si simple mouvement tout internaute peut constater que votre principale source de financement est la manne que vous confèrent les compagnies pétrolières.

Un outil simple et sans prétention développé par Nick Rubin, un jeune homme de 16 ans habitant Seattle, passionné de politique et de codage. Mais la sobriété de l’appli ne l’empêche pas d’avoir un fort potentiel d’impact. En rendant le citoyen moins dupe au jeu des politiciens et en incitant le politicien à plus de prudence dans l’octroi de contreparties électorales, il rend tout simplement moins rentable « l’investissement » des acteurs dans les campagnes politiques. Cette nouvelle transparence, au doux parfum de 2.0, est finalement un moyen simple de freiner – ou du moins ralentir – la fuite en avant dans la course au financement dans laquelle s’est engagée la politique américaine.

Et en France, alors ?


L’application a aussi le bon goût de rappeler aux Français que nous ne devons pas trop nous féliciter de notre système électoral qui, s’il est dans l’ensemble plus vertueux que son équivalent américain, est tout simplement incompatible avec Greenhouse. Et pour cause : le financement des campagnes est beaucoup plus opaque qu’aux Etats-Unis, où ces informations sont publiques. Bref, Greenhouse remet sur la table le débat des conflits d’intérêts politiques, et c’est tant mieux !


On souhaite beaucoup de réussite à cette initiative porteuse de l’exigence de transparence de la démocratie 2.0 !